De la perception de la littérature par certains libraires.

mardi 14 mars 2017

« Ah oui, mais ça c’est mieux quand l’auteur passe à la télé, ça a plus d’impact ! »

C’est - à quelques nuances près - ce qui nous a été répondu il y a peu de temps de cela dans une librairie à qui nous venions présenter nous nouveaux titres.

Depuis la création d’OVNI, nous avons toujours privilégié la chaîne du livre, la vraie, celle qui implique les libraires, les vrais, ceux qui ont d’autres choix que de rentrer le fameux 80/20 qui fait cette fameuse rentabilité que ceux ayant travaillé dans la grande distribution connaissent (malheureusement) par cœur.

Vous savez, je parle de ces librairies dans lesquelles ils est possible de trouver d’autres livres que ceux de Musso, Levi, les biographies de Zlatan ou de Nabila ou les « réflexions » politiques de nos chers élus qui ont besoin d’argent pour leurs campagnes présidentielles, ou encore les célébrissimes 50 nuances et compagnie (même si, évidemment, il en faut pour tous les goûts).

Ceux qui sont capables de vous donner les noms de plusieurs auteurs sans en écorcher l’orthographe.

Enfin, c’est ce que nous avons cru.

Au lancement d’OVNI, nous avons trouvé une librairie qui a accepté de rentrer nos trois premiers titres (« Pagan Pandemia », « LeVélin Oublié » et « Le Dernier Vodianoï »). Lors de ce premier contact, nous avions été étonnés (dans le bon sens) de leur discours, affirmant leur indépendance et la mise en avant des ouvrages.

C’est donc confiants que nous sommes retournés les voir il y a quelque temps pour leur présenter nos nouveaux romans (« 9 Morts par QuelquesNuits d’Hiver », « Divino Sacrum » et « Une camionnette qui servait de volière »).

Et là, ce fut la douche froide.

Jean-Pierre Andrevon, qui est, faut-il le rappeler, un grand nom de la littérature française avec plus de 150 romans à son actif, n’a pas éveillé grand-chose chez nos interlocuteurs. Il a fallu que nous évoquions certains de ses titres pour apercevoir une réaction – du moins, c’est ce que nous nous sommes appliqué à croire – dans leurs yeux.

Brice Tarvel ?

Je rappelle à toutes fins utiles que nous sommes basés à Reims, que Brice est rémois et que le libraire en question se trouve lui aussi à Reims.

Aucune réaction. Encéphalogramme plat. Il a fallu que nous évoquions une possible dédicace dans leur enseigne pour voir un soupçon d’intérêt naître dans leurs yeux.
Mais le pire était à venir. Vraiment.

Nous le savons, Divino Sacrum, de Franca Maï, est un texte fort, qui prend aux tripes et qui ne laisse pas le lecteur indifférent. C’est ce qui fait la force de la plume de Franca dans ce roman posthume, et c’est la principale raison pour laquelle nous tenions à ce qu’il soit publié, parce que, à nos yeux, il était impensable qu’un roman d’une telle force ne voie pas le jour et ne se retrouve pas sur les étals des librairies.

C’est lorsque nous avons évoqué ce dernier titre, après avoir précisé – évidemment – que nous reversions 4€ par livre vendu à un institut de recherche contre le cancer*, que la réplique citée entre guillemets au début de cet article nous a été adressée.

Nous sommes restés interdits une fraction de seconde. Et nous avons compris à ce moment que ce « libraire », sous ses airs de spécialiste, n’était, comme bon nombre, qu’intéressé par les rentrées d’argent et non par la diffusion d’une littérature indépendante à qui il arrive de sortir des sentiers battus et d’interpeller ses lecteurs, et de, quelquefois même, les amener à réfléchir.

Heureux de leur réplique et satisfaits de leur effet, ils ont même appuyé leur « argument » en nous parlant d’un livre dont l’auteur (Leslie Demoulin - Un jour, je serai une étoile) avait eu le droit à une couverture médiatique et qui, du coup, « s’était bien vendu », ajoutèrent-ils en se remémorant, nous supposons, à en croire la lueur dans leurs regards - les nombreux exemplaires vendus.

(Est-il besoin de préciser que nous n’avons absolument rien contre cette courageuse femme et son poignant témoignage, et qu’elle n’est citée ici que parce que c’est de son ouvrage dont nos interlocuteurs nous ont parlé).

Décodé autrement, voilà l’interprétation de cette triste tirade :

Nous ne rentrerons pas votre livre parce que son auteur est décédé, qu’elle ne fera, malheureusement pas « pleurer dans les chaumières » et que donc son impact sera minimum.

Et quid de la qualité du texte ? Du message transmis au travers de ce roman ? Parce que pardon, l’un et l’autre sont hors du commun. Franca Maï a été publiée au Cherche Midi, et sa prose est loin d’être quelconque.

Mais, malheureusement – et croyez que nous sommes nombreux à le regretter –, Franca Maï n’est plus des nôtres.

Mais cela condamne-t-il sa prose ? Doit-elle se retrouver au rang des « écrivains oubliés » parce qu’elle n’est plus présente pour faire la promotion de ses textes ? Doit-on juger de la qualité d’une écriture par la couverture médiatique dont bénéficie le texte, et en quoi rend-elle un texte plus touchant (car nous parlons de deux romans abordant le même sujet) ? Les vraies valeurs de la littérature doivent-elles disparaître au « profit » (notez les guillemets) de la rentabilité ?

C’est ce que pense en effet croire notre « libraire ». Mais ce ne sont pas là NOS valeurs, celles qui font que nous avons créé OVNI. Celles que nous véhiculons et tentons de transmettre depuis le premier jour. Parce que c’est ce en quoi nous avons toujours cru.

Et parce que nous voulons toujours y croire.

Cependant, il nous semble important de préciser que tous les libraires auxquels nous avons eu affaire jusqu’à présent n’ont pas été de ce niveau, et heureusement. Il en existe encore des « vrais », qui n’hésitent pas à s’engager sur des voies différentes et qui réagissent positivement lorsqu’on leur cite certains noms. Mais ils ne sont pas légion. Et c’est bien dommage…

Sachez également que cette anecdote n’est pas la seule de son genre. Nous en aurions d’autres à vous narrer…

Ainsi s’achève le premier « coup de gueule » des OVNI, car oui, nous avons été plus que désabusés d’entendre une chose pareille, et que, comme nous l’avons toujours dit, nous défendrons les romans que nous publions ainsi que leurs auteurs.


We Want to Believe, en espérant que vous aussi !  

*Pour chaque exemplaire vendu de Divino Sacrum, nous reversons 4 euros à l'Institut Gustave Roussy de Villejuif.

1 commentaire:

  1. Les libraires sont de plus en plus difficiles à convaincre de s'intéresser à d'autres ouvrages que ceux placés en tête des gondoles des grandes surfaces. La raison en est peut-être la crise que traverse la profession due essentiellement au prix des livres et non à une désertion des lecteurs.
    Nous sommes en contact permanent avec la profession pour proposer nos auteurs en séances de dédicace et nous rencontrons régulièrement les mêmes réponses et attitudes que celle que vous décrivez ici. Quel dommage quand on sait le nombre de pépites qui ne sont jamais mises en avant !
    Benoit, www.jevendsmonlivre.com

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